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jeudi 20 juillet 2017

La Tour de Babel

Babylone (en Irak, à 100 km au Sud de l'actuelle Bagdad) était LA ville de l'Antiquité.

La plus grande du monde (150 000 personnes). 
On y entrait par la porte d'Ishtar, déesse de l'amour et de la guerre. 
Située sur l'Euphrate. 
En terre à bâtir (briques en argile). 
Jardins suspendus (leur existence n'est pas prouvée). 

C'est Nabuchodonosor II qui construisit la tour de Babel (vers -600). 

Ses fondations carrées (4x91m, taille d'un terrain de foot) ont été trouvées par des archéologues allemands au début du XXè siècle. 

Sur une tablette en argile, conservée au Louvre, un texte datant de -229, en écriture cunéiforme, dans la langue acadienne, indique la hauteur d'un édifice, très connu : 90m. C'est l'Etemenanki, "la maison-fondement du ciel et de la terre". 7 étages. Au sommet : un temple. Un bloc cubique ? Pas possible en terre cuite ; plutôt une ziggourat (pyramide à degrés).

Nabuchodonosor envahit Jérusalem et déporta des juifs à Babylone. L'exil à Babylone. Ils ont assisté à la construction de la tour. D'où le récit biblique.

On a trouvé sur un cylindre d'argile un texte qui donne des informations : temple barré de briques émaillée d'un bleu éclatant (poudre de lapis-lazuli), un édifice orné d'or, d'argent et de pierres précieuses. Les briques émaillées devaient éblouir, voire aveugler  l'observateur. 

L'historien grec Hérodote (Vè siècle avant J-C) en parle : « Au milieu se dresse une tour massive, longue et large d'un stade, surmontée d'une autre tour qui en supporte une troisième, et ainsi de suite, jusqu'à huit tours. »

Durée de vie maximale : 30 ans. 
Pourtant la tour à duré beaucoup plus. 

Alexandre le Grand (IVè siècle avant J-C) a voulu la reconstruire en plus grand. Mais il est mort là-bas, à 32 ans.

Des 17 millions de briques ne reste plus rien. 
C'est devenu une carrière de briques où les habitants viennent se servir. 

mardi 18 juillet 2017

"Les maronites, un peuple fidèle" - La Vie (6 Juillet 2017)

Fondée par les disciples de saint Maron (ou Maroun), ermite qui vécut au IVe siècle dans les montagnes du nord de la Syrie historique, l'Église maronite constitue la plus grande communauté chrétienne du Liban. « Ceux de Maroun » (définition des maronites) sont issus du patriarcat d'Antioche, le premier des trois patriarcats de l'Église primitive, avec Rome et Alexandrie. 

En 451, les maronites sont les seuls Antiochiens à accepter le concile de Chalcédoine, qui va diviser l'Orient. Attachés à leur liberté, ils sont confrontés à l'empire byzantin dictatorial. Persécutée, la communauté maronite se réfugie dans les montagnes du mont Liban. 

Leur isolement s'accroît au VIIe siècle lors de l'invasion musulmane. Les croisades marquent un tournant pour cette communauté qui tisse ses premiers liens avec l'Occident. 

En 1860, les maronites sont persécutés par l'empire Ottoman avec l'aide des Anglais qui veulent limiter l'influence de la France. En une semaine 50 000 chrétiens sont tués au Liban et à Damas (Syrie). Napoléon III s'érige alors en protecteur et dépêche un corps expéditionnaire et une flotte française pour sauver la communauté maronite. Finalement, le 9 juin 1861, naît le gouvernorat (Moutassarifat) du mont Liban, assurant un statut d'autonomie aux maronites. Ce territoire deviendra la base du Liban, qui obtiendra son indépendance le 22 novembre 1943. Un pacte national entre Libanais spécifiera que le Président doit être maronite.

Les maronites sont un peuple francophone et arabophone et ont toujours été fidèles à l'évêque de Rome, ce qui fait leur spécificité. Lors des divisions entre Rome et Byzance, des araméens ont choisi l'Église byzantine. Il s'agit des Melkites. Ils sont araméens mais ont choisi la langue grecque comme langue liturgique. C'est pourquoi on les appelle les grecs-catholiques d'Orient ou grecs orthodoxes d'Orient. L'Église maronite est gouvernée collégialement par le Synode des évêques maronites sous la présidence du patriarche maronite « d'Antioche et de tout l'Orient ». En communion avec Rome, l'Église maronite a son propre rite, en langue syriaque, fille de l'araméen, et en arabe (principalement). Ainsi, la messe comporte quelques différences avec la messe latine : la prière du pardon, le « Houssoyo », récitée après l'oraison du début, est plus longue.

Les maronites constituent près de la moitié des chrétiens au Liban et sont au nombre de 15 millions dans le monde. La France compte au moins cinq paroisses, à Paris et en banlieue, ainsi qu'à Lyon et Marseille, ainsi que quatre communautés religieuses.

samedi 1 juillet 2017

Les chrétiens dans la cité

Dans Pour une alternative catholique (Cerf), un livre vif et percutant, le philosophe Jean-Noël Dumont propose de repenser le mode de présence des chrétiens en politique.
Interview paru dans La Vie, 22 juin 2017.
Votre livre part d'un paradoxe : si les chrétiens sont acceptés quand ils agissent dans le champ social et associatif en chrétiens, sans faire étalage de leur confession, cela devient plus compliqué quand ils se présentent dans l'espace politique en tant que chrétiens, autrement dit en attestant de la foi qui les anime.
Il faut le dire sans modestie : les catholiques sont très inventifs dans le domaine de l'éducation, du soin, de l'humanitaire. Ils sont à la source d'initiatives merveilleuses pour la présence aux plus démunis, aux immigrés, aux personnes handicapées, à toutes les formes de pauvreté. Ce rôle d'acteur de la vie sociale est d'ailleurs largement salué. Mais alors qu'on reconnaît la valeur de cet engagement, pourquoi leur ferme-t-on systématiquement la porte au nez dès qu'ils veulent se mêler de politique ?
Ne noircissez-vous pas un peu le tableau ?
J'appartiens à cette génération qui a connu ce qu'on a appelé « l'enfouissement » ou « le levain dans la pâte ». Pour se faire entendre, les catholiques ont cru qu'ils devaient adopter la stratégie du repli timide, rentrer dans le moule dominant, se cacher, ne pas faire état de ce qui les anime. C'est à cette période que La Vie catholique est devenue La Vie, et que Panorama chrétien s'est délesté de son adjectif devenu embarrassant... En partie grâce à Jean Paul II et aux mouvements charismatiques, qui ont redonné une visibilité aux chrétiens à partir du centre, c'est-à-dire de la liturgie, de la participation aux sacrements, les chrétiens sont sortis des catacombes. La Manif pour tous, les Veilleurs, sont des signes de ce retour dans l'espace public. Mais de façon naïve, les catholiques ont espéré que cette conquête de la visibilité allait leur permettre de mieux se faire entendre. Il n'en a rien été. Acceptés quand ils pansent les plaies du corps social, discrètement, sans faire de bruit, ils perdent tout crédit quand ils interviennent dans l'agora, dans l'espace politique pour dénoncer la cause de ces plaies. Si bien qu'ils ont la sensation d'être des clandestins, des dissidents, dans un pays dont ils ont façonné la culture, les mœurs, le paysage.
Selon vous, d'où vient cet état de fait ?
En m'appuyant sur les thèses du théologien américain William Cavanaugh, je fais remonter cette relégation à l'avènement de l'État-nation. À partir des XVIe-XVIIe siècles, l'État a créé des secteurs d'activités autonomes pour mieux les mettre sous tutelle : l'art, l'économie, la religion... Une façon d'imposer son pouvoir, et d'interdire tout autre loyauté, tout autre source du lien social. La religion est ainsi devenue un secteur d'activité comme un autre. Reléguée dans l'espace privé, la croyance s'est trouvée disqualifiée en même temps qu'instrumentalisée dans l'espace public.
Dans votre livre, vous remettez en cause cette séparation entre le religieux et le politique. Mais n'est-elle pas un acquis précieux de la modernité ?
Entendons-nous bien. Je ne souhaite pas revenir à l'alliance du trône et de l'autel. Ce que je mets en cause, ce n'est pas la séparation de l'Église et de l'État comme institution, qui est une bonne chose, mais la coupure schizophrénique entre le religieux et le politique, qui me paraît impossible à tenir. D'ailleurs, l'État soi-disant laïc n'a pas fait disparaître le religieux : le sacré a tout simplement migré vers ce pouvoir qui s'est constitué contre l'Église en absorbant ses prérogatives. On l'a vu récemment avec l'intronisation du nouveau président : l'État s'est revêtu des attributs du religieux, et ses cérémonies miment la sacralité religieuse.
Vous êtes en train de dire que la laïcité, en fait, n'existe pas ?
Non seulement elle n'est pas effective, car l'État a capté la sacralité, mais la version qu'il nous en impose est mutilante. Ma définition de la laïcité est toute simple : l'incompétence de l'État en matière religieuse. Autrement dit, l'État ne subventionne ni n'encourage aucune religion. Mais cette stricte neutralité ne signifie pas, comme c'est le cas aujourd'hui, l'effacement de la dimension religieuse dans le débat public. Deux exemples. Il y a peu, j'ai conduit mes petits-enfants au musée de Lyon, imprégné d'une longue histoire religieuse. Un audioguide leur proposait un parcours avec dix œuvres à visiter. Aucune d'elle ne portait sur le patrimoine chrétien ! Savez-vous, d'autre part, que la notion de Dieu a été supprimée des programmes de philosophie, alors même que le questionnement métaphysique est au fondement de la discipline ? Tout se passe donc comme si la laïcité s'était transformée en athéisme, et en athéisme militant, agressif, qui exclut l'expression religieuse de tous les compartiments de la société. Pour moi, c'est une oppression, car on ne permet plus aux personnes de développer la dimension spirituelle de leur existence.
En même temps, ce n'est pas le rôle de l'État de conduire l'homme à son épanouissement spirituel...
Vous avez raison. D'ailleurs, si les chrétiens ont été persécutés, c'est parce qu'ils relativisent le pouvoir politique quand ce dernier voulait être le pouvoir ultime : ils le remettent à sa place, qui est une place relative. Ce n'est donc pas de l'État qu'il faut attendre le salut. Mais ce n'est pas non plus son rôle d'imposer le silence sur le religieux, sur l'aspiration spirituelle, sur la destinée ultime des personnes. Une cité muette sur les fins ultimes conduit à une suffocation silencieuse des âmes. Elle étouffe les hommes, les plafonne dans la finitude. Un pouvoir digne de ce nom doit se rappeler qu'il n'est pas seulement une technique, une simple gestion du vivre-ensemble, mais qu'il doit aussi faire signe vers ce qui le dépasse, ce qui nous dépasse tous.
Vous montrez que pour réagir à leur marginalisation de l'espace politique, les chrétiens ont essayé plusieurs attitudes.
Oui, je distingue quatre postures. Il y a d'abord le modèle identitaire, celui de la citadelle dans lequel se fondent tous ceux qui rêvent de restaurer une cité dans laquelle les valeurs chrétiennes irrigueraient le champ politique et social. Autre modèle : celui de l'enfouissement dont j'ai déjà parlé. Nous coopérons à la vie de la société, disent les chrétiens inspirés par cette attitude, mais en faisant disparaître l'étiquette qui nous inspire. Il y a aussi le modèle de la marginalité prophétique. Comme Bloy, Péguy ou Bernanos, ces chrétiens se pensent en contre-culture, en contre-société. De la colline où ils sont retirés, ils lancent des invectives à la modernité. La revue Limite, dont j'ai formé certains des membres, me semble tentée par cette attitude. Dernière stratégie : l'engagement politique à découvert. Il s'agit ici de prendre part au débat public et de faire valoir la pertinence et la rationalité de positions inspirées par la foi. Les catholiques engagés à la CFTC, au PCD (Parti chrétien-démocrate), dans les journaux chrétiens ou encore à Sens commun relèvent de ce modèle.
Selon vous, ces quatre postures feraient fausse route.
Mon propos n'est pas de disqualifier ces catholiques et la valeur de leur engagement, mais de montrer que ces attitudes se rejoignent en ce qu'elles acceptent toutes que le politique soit hors du religieux, corroborant ainsi la suprématie de l'État dans l'action politique. Dit autrement, les catholiques engagés dans ces quatre « stratégies » sont à la traîne, à la remorque d'un imaginaire du pouvoir construit et imposé par l'État. De fait, quand ils réfléchissent à la politique, les catholiques se demandent comment avoir de l'influence, gagner des territoires, défendre des intérêts, s'approcher du pouvoir, dénoncer ses dérives. Pour légitimes qu'elles soient, ces façons de faire méconnaissent ceci, qui est fondamental : l'Église est une réalité politique. Le rôle des chrétiens n'est donc pas d'abord de faire de la politique, mais d'incarner un autre type de politique.
Au fond, vous dites aux chrétiens de cesser de jouer sur le terrain de l'autre ?
Je voudrais en effet qu'ils prennent conscience qu'ils ont de quoi construire la cité sur un autre imaginaire que celui du pouvoir politique. C'est pourquoi j'ai proposé Pour une alternative catholique comme titre de mon livre. Un peu comme certains écologistes ou libertaires qui proposent une autre manière de consommer, de se lier, de s'aimer, de tisser le lien social, les chrétiens incarnent une alternative, un autre modèle politique : non pas celui du contrat, qui est fait pour être rompu, mais celui de l'alliance, de la communion. Je le redis : l'Église ne doit pas faire de la politique, elle est une politique. Mieux : elle est politique.
Que voulez-vous dire par là ?
L'eucharistie est un modèle politique en tant que tel. Un corps se constitue par la communion au corps du Christ. Pas seulement un corps individuel, comme celui qu'on développe dans le yoga, mais une assemblée, un corps collectif qui fait également corps avec le ciel. Je propose de repenser le lien social à partir de la liturgie, qui est à la fois un espace de formation de la conscience politique et le lieu d'une communion authentique. Platon avait déjà cette intuition. Dans les lois, il imagine l'humanité comme un grand chœur réuni autour d'un chef d'orchestre invisible, exactement ce que propose la liturgie chrétienne. 
L'Église n'est pas un club qui se réunit, dans lequel il faut montrer patte blanche, mais une assemblée qui est convoquée, où personne ne vous demande votre carte de membre. De toutes les couleurs, tous les âges, tous les milieux, nos assemblées dominicales sont l'un des derniers lieux de mélange social. J'y ai assisté à des scènes merveilleuses comme cette petite fille handicapée embrassant un clochard au moment du baiser de paix.
Cela veut-il dire que les chrétiens doivent déserter les points de fracture du monde et se contenter de prier ?
Non, pas du tout ! J'essaie simplement de dire que les chrétiens ont longtemps cru que pour faire de la politique, ils devaient quitter l'enceinte de l'église. Or, avant de s'engager en dehors du sanctuaire, ils doivent se ressourcer à la liturgie comme acte politique. Il ne s'agit pas de rouler toute la sainte journée les yeux au ciel, comme des saints de vitrail, mais de ne jamais oublier que la fécondité de leur action viendra, comme un fruit mûr, de la contemplation de l'amour d'un Dieu qui se donne. La charité doit découler de l'amour de Dieu, faute de quoi elle devient un acte militant et l'Église une banale ONG, comme l'a souligné le pape François. C'est d'une attitude pleinement contemplative que peut naître une action généreuse.
Le chrétien dans la cité, dites-vous, doit être « un veilleur dont l'attente atteste l'aurore ».
L'athéisme serait une très bonne chose si on gagnait en amour du monde ce qu'on perd en amour de Dieu ! Or, manifestement, il n'en va pas ainsi, comme l'atteste l'art contemporain, qui ne peut plus figurer le monde, ni même le visage de l'homme, lequel n'apparaît jamais autrement que scarifié, déformé, couvert de crachats. L'homme devient intolérable à lui-même s'il n'est pas le signe avant-coureur de sa résurrection. Quand Dieu est absent, la terre devient déserte et poussiéreuse. La mission des chrétiens est d'être des veilleurs de l'espérance, de faire signe vers l'au-delà du visible.