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mardi 3 octobre 2017

La pilule, les féministes et les eugénistes

"Avant mon enquête, je pensais que la pilule avait été inventée par des féministes et pour les femmes. Mais la réalité s'avère bien différente. 

Celle qui est à l'origine de la pilule que nous avons aujourd'hui s'appelle Margaret Sanger. Cette infirmière américaine était une forte tête féministe, mais ses arguments pour les droits des femmes ne faisaient pas mouche. 
Ce sont finalement les financements de milliardaires eugénistes américains, qui cherchaient à endiguer les naissances des classes populaires, qui ont permis à la contraception orale de voir le jour. En pleine Guerre froide et dans un contexte de tensions raciales, ils y ont vu l'opportunité de contrôler le taux de natalité des classes populaires et, entre autres, de supprimer la tentation communiste. 
Il n'était donc à pas réellement question du bien-être des femmes, on adressait la pilule à des femmes que l'on considérait comme trop peu intelligentes pour maîtriser elles-mêmes leur contraception. 
L'histoire révèle aussi un manque de sérieux lors des premiers tests menés sur la pilule. Sur 850 femmes, cinq sont décédées mais aucune n'a été autopsiée. Finalement, quand la pilule a été créée, nous ne savions pas précisément comment ces hormones agissaient, nous n’avions aucun recul sur les effets d’une prise à long terme."

(Sabrina Debusquat, auteur de "J'arrête la pilule", in La Vie (21/09/2017)

vendredi 22 septembre 2017

Boris Cyrulnik, Auschwitz et Dieu

"Dieu n'existe pas, sinon il n'aurait pas permis Auschwitz"

"Je me suis intéressé au travail de Raymon Falsetti sur les survivants d'Auschwitz. Falsetti a fait un travail sur le sujet. Il a enquêté parmi les anciens déportés pour savoir s'ils avaient perdu la foi : 13% des sondés ont répondu qu'ils ne pouvaient plus croire en Dieu après tout cela et 17% qu'ils l'avaient rencontré là-bas. Pour les autres, cela n'avait rien changé à la croyance. Le travail psychosociologique qui a été réalisé permet de préciser cette phrase entrée dans la culture, et qui n'est que partiellement vraie".

(Boris Cyrulnik, in La Vie, 14/09/2017)

samedi 16 septembre 2017

Interview de Jean-Claude Guillebaud, in La Vie

Dans la Foi qui reste (l'Iconoclaste), Jean-Claude Guillebaud, chroniqueur à La Vie depuis 2001, retrace l'histoire d'une foi chrétienne ravivée après être restée longtemps sous le boisseau.

Malgré 20 siècles de doutes et de crises, l'Église réussit toujours à se maintenir. Cette institution résiste-t-elle à ce que vous appelez la « médiocrité cléricale » ?

L'esprit de vieillesse est susceptible de frapper n'importe quelle institution. Or l'écueil est d'accorder plus d'importance à ce qu'est l'Église en tant qu'institution qu'au message dont elle est porteuse. Chaque fois que l'Église prend des décisions autoritaires ou disciplinaires, quand elle se mêle trop du temporel, le message évangélique qu'elle porte est trahi. Nous avons évidemment besoin de l'Église comme institution, car c'est elle qui, depuis des siècles, structure le catholicisme. Mais nous avons aussi besoin de dissidents, de gens qui l'interpellent, qui la remettent en cause et qu'elle menace parfois d'excommunier... avant de les canoniser plusieurs siècles plus tard ! Ce que je trouve magnifique dans l'histoire de la chrétienté, c'est ce balancement entre l'institution et ses dissidents. Je lis Bernanos depuis que je suis adolescent. Dans ses Écrits de combat, ce catholique fervent se montre particulièrement intransigeant à l'égard de l'Église. Il y a toujours eu des chrétiens anticléricaux ; c'est aussi ce qui explique la longévité du christianisme. S'il n'y avait eu que l'Église, l'institution se serait sclérosée. S'il n'y avait eu que les chrétiens contestataires, le message se serait perdu en route. Les deux sont indissociables.

Certains chrétiens se sentent incompris. Comment l'expliquez-vous ?
Je suis habité par une colère. La façon dont on humilie les chrétiens me désole. Et c'est une exception propre à la France, au Québec et à la Belgique. Partout ailleurs, personne ne songerait à désigner les chrétiens comme des obscurantistes et des incultes... Notre culture a été façonnée par plusieurs siècles de christianisme. La plupart des valeurs qui sont aujourd'hui dites « républicaines » proviennent de la Bible et de la pensée grecque. Il est donc absurde de considérer les croyants comme des arriérés. Il y a dans une seule page de l'Évangile de Jean plus d'intelligence, de profondeur et de pertinence que dans tous les livres des nouveaux philosophes à la mode. Le véritable problème est que nous vivons dans un monde qui prétend tout rationaliser, et dans lequel certains athées se croient plus malins que les autres.

Des chrétiens conservateurs n'hésitent pas à critiquer le pape, qui tiendrait un discours « irresponsable » sur les migrants. La présence de François est-elle irradiante ou irritante ?

Irradiante, bien sûr ! Pour la première fois, nous avons un pape qui est plus « à gauche » que les partis socialistes européens ! Cela dit, Jean Paul II, en 1991, avait publié une encyclique, Centesimus annus, qui critiquait longuement le capitalisme. Et ce, au moment où le communisme était en train de s'effondrer. Entre écologie intégrale et accueil de l'étranger et du pauvre, le message évangélique est souvent plus progressiste qu'on ne le pense. Le pape François se soucie des pauvres dans leur entièreté ; pas seulement de leur niveau de vie, mais aussi de leur dignité. Ceux que nous appellerons les « catholiques athées » ne se sentent attirés que par l'institution. Le message chrétien passe au second plan. Bernanos se moque de ces gens-là et dénonce ceux qui s'imaginent que le Christ est mort sur la croix pour permettre aux propriétaires de dormir tranquilles... Par exemple, Charles Maurras était athée ; il ne s'est intéressé que quelques heures avant sa mort au message évangélique. Il jugeait en revanche que l'institution cléricale permettait à la société d'être structurée et stable. Il avait une vision instrumentale du christianisme. D'où sa fameuse phrase : « Je suis athée, mais catholique. »

Au fond, ne pas être d'accord avec les positions politiques du pape, n'est-ce pas être un dissident, un catholique contestataire ?
Cela dépend. S'il s'agit de rejoindre les « identitaires », je m'y refuse. Il existe une notion d'immobilité dans leur manière de concevoir le monde et la foi. Or la foi chrétienne est une marche jamais achevée. Il faut un orgueil incroyable au chrétien qui affirme le contraire !

Est-il plus facile de se dire catholique aujourd'hui qu'il y a 10 ou 20 ans ?
Il y a 10 ans, mon livre Comment je suis redevenu chrétien a obtenu un succès inattendu. On me demandait : « Comment avez-vous trouvé le courage de dire que vous étiez chrétien ? »Quelle rigolade ! Les chrétiens courageux sont ceux qui sont persécutés en Syrie, en Irak, dans certains pays d'Afrique ou d'Asie. En France, tout ce que l'on risquait, c'étaient quelques moqueries parfois injurieuses. Or cela est en train de changer. Le politique semble avoir abandonné le laïcisme agressif que certains ministres ont pu adopter il y a quelques années.

Qui sont les chrétiens « raisonnables » ?
Ceux qui acceptent de rendre raison de la foi qui est en eux. Le chrétien raisonnable croit, mais consent toujours à soumettre sa foi à la raison critique – c'est même un devoir pour lui. Jacques Ellul, théologien protestant dont je suis toujours resté proche, était issu d'une famille athée. À 18 ans, il s'est converti au christianisme. Pour voir si sa foi était solide, il a passé une année à lire toute la littérature antichrétienne. À ce propos, le vrai dialogue interreligieux n'est possible qu'en acceptant l'idée que l'autre a peut-être quelque chose qui nous manque. Cornelius Castoriadis avait une formule magnifique de simplicité pour désigner l'acte de croire en général : « Toute croyance est un pont jeté sur l'abîme du doute. » C'est une action volontaire, qui n'exclut pas le doute, mais qui permet de le surmonter.

Comment combattre ce que vous nommez la « tentation de la citadelle » ?

La tentation du repli dessèche le chrétien. Comme si la foi était si faible qu'il fallait la mettre sous cloche. On n'est certes pas obligé de croire tout ce que la modernité apporte. Il existe deux formes de sottise : tout accepter et tout refuser. D'un côté, la sacralisation du progrès et de la transgression. De l'autre, le rejet global de la modernité. Le monde évolue et nous avons besoin de discernement pour nous aider à faire les bons choix. À la citadelle, il faut préférer un espace intérieur de recueillement non soumis aux prétendues urgences contemporaines.

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"La foi ne doit pas être une contradiction qui fait la morale, mais une contradiction qui génère de la perplexité chez les personnes qui sont prêtes à l'entendre et qui les renvoie à ce qu'ils croient vraiment. c'est ce que dit le Christ : "Que celui qui a des oreilles entende !" (Pierre-Louis Choquet, in La Vie, 2/11/17)

vendredi 25 août 2017

Les Kurdes en Syrie

Extraits d'un article paru dans La Vie (août 2017) :

Les Kurdes sont 35 à 40 millions, divisés entre la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran, avec quelques communautés disséminées dans l’ex-Union soviétique et une diaspora en Occident.
Les divisions entre différentes factions sont surtout politiques.

En Turquie et en Syrie, leur communauté est en majorité sous l’influence du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et de ses organes politiques ou militaires.
En Syrie, le Parti de l’union démocratique (PYD), lié au PKK, et sa branche armée, l’Unité de défense du peuple (YPG), dominent, soutenus par les États-Unis dans la lutte contre Daech. La guérilla marxiste, fondée à la fin des années 1970, prône un système confédéral et l’égalité femme-homme.
Le Kurdistan d’Irak autonome a un autre projet : tribal, conservateur et allié avec la Turquie. Ses peshmergas sont soutenus par les pays occidentaux. De sa capitale, Erbil, le président Massoud Barzani et son Parti démocratique du Kurdistan (PDK) règnent sans partage sur cette entité riche en pétrole et en gaz. Fin septembre, le Kurdistan irakien organisera un référendum pour devenir, ou non, un État indépendant.

(…)

Entre les chrétiens de la Djézireh et les Kurdes subsistent aussi de vieilles rancunes historiques héritées de l’époque ottomane. En 1915, le génocide lancé contre les non-Turcs par le gouvernement Jeune-Turc a bien sûr particulièrement touché les Arméniens, mais également les communautés assyro-chaldéennes, massacrées et déportées de leurs berceaux historiques situés dans le sud-est de l’actuelle Turquie. Ce drame appelé « Seyfo » a vidé la région du Tur Abdin, les villes de Mardin, Midyat et les villages jusqu’à Nusaybin et Silopi, situés juste de l’autre côté de la frontière turco-syrienne. Or, en 1915, si les commanditaires des massacres étaient turcs, les exécutants étaient des bandits et des mercenaires kurdes. Les rescapés ont trouvé refuge en Syrie, qui n’a jamais manqué d’instrumentaliser cette « protection ». « Les chrétiens sont hantés par cette histoire de 1915, c’est ce qui les divise. Un petit groupe pense qu’avec les Kurdes on peut construire une nouvelle société. Mais la majorité pense que ces Kurdes sont les descendants de ceux qui ont massacré leur famille et qu’on ne peut pas leur faire confiance, contrairement au gouvernement de Damas, qui a toujours garanti la liberté religieuse », résume le père Elias, qui s’occupe de la paroisse de la Sainte-Vierge à Nassira, un quartier de Hassaké que le régime de Damas ne contrôle plus.


jeudi 20 juillet 2017

La Tour de Babel

Babylone (en Irak, à 100 km au Sud de l'actuelle Bagdad) était LA ville de l'Antiquité.

La plus grande du monde (150 000 personnes). 
On y entrait par la porte d'Ishtar, déesse de l'amour et de la guerre. 
Située sur l'Euphrate. 
En terre à bâtir (briques en argile). 
Jardins suspendus (leur existence n'est pas prouvée). 

C'est Nabuchodonosor II qui construisit la tour de Babel (vers -600). 

Ses fondations carrées (4x91m, taille d'un terrain de foot) ont été trouvées par des archéologues allemands au début du XXè siècle. 

Sur une tablette en argile, conservée au Louvre, un texte datant de -229, en écriture cunéiforme, dans la langue acadienne, indique la hauteur d'un édifice, très connu : 90m. C'est l'Etemenanki, "la maison-fondement du ciel et de la terre". 7 étages. Au sommet : un temple. Un bloc cubique ? Pas possible en terre cuite ; plutôt une ziggourat (pyramide à degrés).

Nabuchodonosor envahit Jérusalem et déporta des juifs à Babylone. L'exil à Babylone. Ils ont assisté à la construction de la tour. D'où le récit biblique.

On a trouvé sur un cylindre d'argile un texte qui donne des informations : temple barré de briques émaillée d'un bleu éclatant (poudre de lapis-lazuli), un édifice orné d'or, d'argent et de pierres précieuses. Les briques émaillées devaient éblouir, voire aveugler  l'observateur. 

L'historien grec Hérodote (Vè siècle avant J-C) en parle : « Au milieu se dresse une tour massive, longue et large d'un stade, surmontée d'une autre tour qui en supporte une troisième, et ainsi de suite, jusqu'à huit tours. »

Durée de vie maximale : 30 ans. 
Pourtant la tour à duré beaucoup plus. 

Alexandre le Grand (IVè siècle avant J-C) a voulu la reconstruire en plus grand. Mais il est mort là-bas, à 32 ans.

Des 17 millions de briques ne reste plus rien. 
C'est devenu une carrière de briques où les habitants viennent se servir.